Philippe Alléosse, artisan de la voie lactée

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Fromager-affineur depuis trois décennies, le breton Philippe Alléosse a d’abord vogué dans la Marine Nationale avant de s’ancrer dans le 17e arrondissement parisien, avec sa femme Rachel. Entre sa boutique qui a pignon sur rue et ses caves d’affinage en sous-sol, il navigue parmi plus de 250 variétés de fromages, qu’il affine autant qu’il affectionne. Rencontre avec un maître-artisan passionné. 

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? 

Je suis Philippe Alléosse, fils de fromagers et fromager-affineur depuis plus de 30 ans ! Après avoir passé mes premières années en Bretagne – où je suis né en 1961, j’ai déménagé à Paris avec mes parents à l’âge de 15 ans. Nous nous installons près de la Gare du Nord, et mes parents ouvrent leur fromagerie. 

L’intégration à la Capitale a été très compliquée pour moi. C’est pourquoi, j’ai rapidement pris la décision de m’engager dans la Marine Nationale pour découvrir de nouveaux horizons. Cinq ans plus tard, je suis de retour à Paris et j’entame une formation au sein de la fromagerie familiale. 

Quel parcours vous a mené à l’affinage ? 

J’ai quasiment grandi dans une meule de fromage. Mais je me passionne véritablement pour ce métier grâce à ma rencontre avec Monsieur Pierre Androuet – encyclopédie du fromage de l’époque.  

L’année 1988 marque un tournant puisque c’est à ce moment-là, que je fais construire nos caves d’affinage. Nous avions déménagé au 13 rue Poncelet, au pied de l’Arc de Triomphe, depuis quelques années déjà et cela devenait une nécessité pour nous, de nous spécialiser dans l’art de l’affinage. Nous voulions valoriser le terroir fromager français grâce à ce métier d’artisanat et de savoir-faire, qui s’apprend sur le tas au contact des produits. Très rapidement, notre qualité d’affinage devient une référence. En 2006, nous obtenons le titre de Maître Artisan, la plus haute distinction dans le domaine de l’artisanat. À ce jour, nous sommes les seuls fromagers-affineurs à avoir ce titre !

Comment sourcez-vous vos fromages ? 

En 30 ans de métier, nous avons eu l’occasion de goûter à beaucoup de fromages !  Aujourd’hui, les producteurs qui travaillent artisanalement sont de moins en moins nombreux. Ainsi, nous aimons collaborer avec des artisans indépendants de préférence, qui élaborent leurs fromages au lait cru et qui perpétuent eux-aussi un savoir-faire traditionnel. 

En tant qu’affineur, nous sommes là pour sublimer ces démarches, avec une approche spécifique pour chaque fromage. C’est du “cousu main”. Car, comme vous pouvez vous en douter, l’affinage ne peut transformer un fromage en produit d’excellence, que s’il n’est associé à une sélection rigoureuse des produits ! 

Vous avez 4 caves d’affinage sous les pavés de la Capitale. Quels en sont les secrets ? 

Situées rue Clairaut, à côté des Batignolles, nos 4 caves d’affinage voient défiler entre 200 et 250 variétés de fromages au fil des saisons. On y retrouve des fromages de France (mais aussi d’ailleurs), qui font l’objet des soins les plus minutieux. Il ne faut jamais oublier que le fromage reste un produit vivant… Chacun d’eux est amené au sommet de sa maturité, pour répondre aux envies de la clientèle. 

Pour le reste, l’artisanat a son lot de secrets qu’il faut bien garder ! 

Quel est le fromage que les gens mangent à la mauvaise saison ?

Toute l’année, nous avons une forte demande en fromages truffés. Or, la saison de la truffe du Périgord s’étend de novembre à mars. Nous la sélectionnons uniquement fraîche lorsque c’est la pleine saison et nous la choisissons sans agents de saveur ni conservateurs. Il faut savoir respecter la saisonnalité des fromages, pour encore mieux les apprécier.

Comment voyez-vous évoluer le métier de fromager ? 

Ça sera de plus en plus compliqué. Au fur et à mesure des années qui passent, il y a de moins en moins de lait. La sécheresse actuelle et les difficultés que peuvent rencontrer les producteurs, nous impactent directement. 

Chez Alléosse, nous aimons aussi ouvrir les perspectives ! C’est pourquoi, nous nous intéressons de près aux fromagers qui nous viennent d’autres pays européens, qui sont fabriqués de manière artisanale et locale. Nous sommes, par exemple, férus des fromages italiens mais aussi allemands, autrichiens… qui réservent de belles surprises méconnues. 

Votre fromage coup de cœur en ce moment ? 

La fleur du Japon, qui est un fromage de chèvre fabriqué dans les Deux-Sèvres. Sa particularité est d’être garni en son centre, d’une feuille de cerisier japonaise : le sakura. Cela apporte un parfum légèrement fruité aux saveurs de griotte et d’amande. Sa pâte est pleine de finesse et de gourmandise. 

Alléosse, en 1 mot ? 

Artisan du goût !